jeudi 29 septembre 2016

L'UMAM présente Nacer à la galerie Depardieu

NARS-EDDINE BENNACER “FLUCTUARE”

"Donne-moi tes pauvres, tes exténués, Tes masses innombrables aspirant à vivre libres, Le rebus de tes rivages surpeuplés, Envoie-les moi, les déshérités, que la tempête me les rapporte Je dresse ma lumière au-dessus de la porte d’or !" - Le Nouveau Colosse, Emma Lazarus


L'écho de ces mots sortis des lèvres à peine ouvertes de la statue de la Liberté résonne encore à nos jours, témoin d'une promesse d'accueil sans âge adressée à une Humanité à la recherche d'un nouveau départ.
Phénomène aussi ancien que l’Humanité, le déplacement des lieux de vie des migrants est le sujet de Fluctuare, la nouvelle exposition de l'artiste Nasreddine Bennacer. L'artiste joue avec la notion du maintien à flot, à la fois symbole de survie et métaphore de précarité. Le spectateur se retrouve plongé dans un univers de signes qui insinuent le doute quant à la promesse d'un abri.

Passerelle entre le passé et le présent, entre l’individuel et le collectif, l'artiste souligne la nature éternelle et globale d'un phénomène inhérent à l'Histoire.
Touchant une pléthore de formes artistiques – dessin, peinture, sculpture, photo et installation vidéo – l'artiste illustre les problématiques autour de l'identité du migrant, coincée entre stéréotype et aliénation. Le narratif cède la place à l'allégorie, l'objet utilisé de tous est élevé à l'état de symbole.


L'expérience humaine a pour emblème un gilet de sauvetage qui surgit de la rigidité d'un bloc de marbre,
L'objet, dépouillé de sa fonction, met en question la possibilité réelle de rester à la surface, puis révèle le paradoxe entre secours et abandon.
L'attention se focalise sur l'identité culturelle face à la menace du stéréotype. Sur la surface d'un triangle de pré-signalisation, des symboles se reflètent à l'infini : l’Étoile de David, le Croissant de Lune et la Croix.
Comme un avertissement adressé au spectateur, reflet de sa réflexion, mis en garde contre son propre jugement, contre la signification éphémère de ces symboles, vestiges d'une identité figée. Cette expérience cathartique nous invite à prendre conscience de la relativité des mécanismes d'identification sociale.
L'expérience individuelle se noie dans le collectif historique : des lucioles qui franchissent la frontière américano-mexicane nous rappellent le caractère global d'un exode au delà de toute limite géographique.
Une série de vidéos nous guide du réalisme à l’allégorie en fixant la répétition d'un mouvement éternel : une bouée bercée par la mer, l'oscillation rythmique d'une balançoire, les pirouettes d'une fille qui danse.
La répétition de ces instants infinis reflète la progression d'un temps cyclique, évoquant le pantha-rei héraclitien : tout coule, l'histoire se répète. Le flot du temps, le mouvement de la nature et le déplacement des êtres humains trouvent une communion dans l’œuvre polymorphe de cet artiste, comme des engrenages nécessaires d'un mécanisme vital.?

Elisabetta Garletti



Nasr-eddine Bennacer (Algérie, 1967) vit et travaille à Paris depuis plus de 20 ans.
L'artiste s’interroge sur l’évolution des relations entre les civilisations, les cultures et sur la part d’ambiguïté qui existe dans les jeux relationnels entre les hommes.
Ses questionnements se concentrent sur les formes de manipulation et d’exploitation des conflits aussi bien à niveau individuel que global : l’agresseur est–il toujours celui qui montre sa force ou bien d’autres enjeux politiques et économiques interfèrent-ils sur le sensible et l’intelligible, créant ainsi une tension entre une idéologie et son application ? Nasr-eddine Bennacer expérimente et mélange techniques et supports: il passe du dessin à la sculpture, de la peinture sur plexiglas aux installations, selon le médium qui est le plus apte à décrire sa pensée. Il écrit et traduit d’un trait instinctif et tranchant ses observations par rapport à des contextes qui interpellent par leur complexité et bouleversent par la violence qui parfois les caractérisent. Derrière une esthétique minutieuse et souvent poétique, l’artiste dénonce un monde de plus en plus rationalisé et manipulé. 
Du 13 octobre au 12 novembre : Galerie Depardieu - 6 rue docteur Guidoni - Nice
VERNISSAGE : JEUDI 13 OCTOBRE 16h - 21 h

mardi 20 septembre 2016

Quand l’UMAM habille d’art contemporain la ville de Menton

Menton, sa promenade en bord de mer, son soleil, ses jardins, ses musées, sa vieille ville et ses petites places et chapelles, et son incontournable et si célèbre fête du citron… Cà vous connaissiez déjà ! Mais si votre dernier passage date un peu, retournez-y ! Vite !

Vous allez être étonné, surpris pour le moins, séduit certainement, époustouflé peut-être… Car depuis le 4 juin l’UMAM (L’Union Méditerranéenne pour l’Art Moderne fondée en 1946 par Jean Cassarini et le Docteur Thomas, sous la présidence d’honneur d’Henri Matisse et de Pierre Bonnard) y célèbre, avec la complicité de son maire et de son équipe, les 70 ans de son existence en créant l’événement culturel 2016 de la Côte d’Azur en matière d’art contemporain.


Suivez le défilé de sculptures qui parcourt la ville au départ du parvis du musée Jean Cocteau et de l’esplanade Francis Palmero jusqu’aux jardins Biovès, avant d’arriver aux jardins du Palais Carnolès et du premier étage de son musée qui vous réserve en bouquet final un feu d’artifice de créations.

Plus d’une quarantaine d’artistes et leurs 150 œuvres ont accepté l’invitation de l’UMAM et de la ville heureuse de renouer avec sa vocation culturelle d’avant-garde.

Des plasticiens déjà connus et reconnus en côtoient d’autres qui sans nul doute le deviendront par leur immense talent.

Avec des œuvres monumentales (une baleine échouée, un gorille égrenant le nombre de ses congénères encore vivants, une toupie fatiguée, un nain géant marchant dans les fleurs, une envolée de carrés de tôle rouillée comme une nuée de papillons, une plume géante grattant le ciel au gré du vent…) et d’autres qui le sont un peu moins, plus intimistes, plus minimalistes, mais tout aussi puissantes. Mises en valeur par l’environnement où elles sont implantées provisoirement, de bord de mer en jardins, et le donnant à découvrir autrement.


Jusqu’au musée des Beaux Arts du Palais Carnolès et de ses salons du premier étage au décor XVIIIème, ornés de dorures, de tentures, de lustres et de meubles d’époque, de tableaux évidemment, et habités nouvellement, pour l’occasion, d’œuvres de notre temps, dessins, peintures, installations et vidéos, et sculptures encore. Dans une mise en scène originale, extraordinairement subtile et intelligente qui rend beaucoup moins infranchissable qu’on se plait à le dire souvent, le fossé entre l’art d’avant et celui d’aujourd’hui.

Les salons bruissent de murmures d’œuvres qui chuchotent entre elles, de dialogues improbables et qui s’élaborent néanmoins presque naturellement par le fait de cette proximité voulue dans l’idée que l’histoire de l’art est une véritable histoire qui se perpétue et continue de s‘écrire en racontant le monde, encore et toujours.


Car c’est bien avant tout cela cette exposition de l’UMAM. Des artistes contemporains qui observent avec lucidité leurs contemporains, leurs combats et leurs dérives, dressent des constats parfois inquiétants, et les écrivent chacun de leur langage plastique personnel pour marquer notre conscience. Avec le but de nous faire réagir dès lors que nous ne nous refusons pas à nous attarder un peu pour regarder et nous regarder, pour écouter et nous entendre.

Quelques-uns, enfermés dans leur petite routine ennuyeuse et leur quotidien sécurisé si confortable, ne verront là que pure provocation et art dégénéré. On connaît la chanson. Mais beaucoup, comme je le suis, seront marqués sensiblement, affectivement, intellectuellement par la beauté des œuvres, leur densité, leur message et la virtuosité de leur créateur.

Tout est esthétique. Rien n’est gratuit et tout est lisible.

Jusqu’au 28 septembre vous pouvez découvrir cette extraordinaire exposition et la manière magistrale dont Simone Dibo-Cohen, Présidente de l’UMAM a habillé, façon haute couture, avec goût et talent, la belle ville de Menton.

Je ne me permettrai pas de décerner quelque prix que ce soit… Comme moi vous le ferez certainement, secrètement. Chacun d’entre vous, avec sa sensibilité, son affectif et son histoire aura ses coups de cœur. Mais ce que je peux vous certifier, après avoir passé une demi journée, trop courte, à m’immerger dans la création contemporaine proposée par l’UMAM, c’est que le détour vous éblouira parfois et vous enrichira certainement.

La liste des artistes présentés est consultable sur le site de l’UMAM, tout comme les reportages photographiques, articles et vidéo consacrés à cet événement.

Dominique TARDLER (Photos © Tardler)

lundi 19 septembre 2016

Avec « Syrie… », Héléna Krajewicz et Rob Rowlands marquent profondément l’art contemporain à l’UMAM et nous plongent dans l’actualité.


Ils avaient impressionné en 2014 la biennale de l’UMAM en faisant crouler les colonnes de la cour centrale du Château-musée de Cagnes-sur-Mer.  Cette année ils remportent un grand succès avec leur installation-sculpture « Syrie… », terriblement d’actualité, installée dans le Palais-Musée Carnolès à Menton. Mais laissons leur la parole avec les deux films qu’ils ont réalisés et qui présentent leur œuvre :

S Y R I E…

Des milliers d’êtres humains sont tués en Syrie ; des millions sont privés de tout, de leurs lieux de vie et de leurs ressources, de leur destin. Pour eux, tout  s’écroule.  C’est une dévastation. L’exode. Le Chaos.  A la radio, sur nos écrans de télé, des images insoutenables, des témoignages d’immense détresse nous parviennent de ces zones à la fois proches et lointaines. Mais la réalité telle qu’elle est vécue, inhumaine, brutale, nous échappe en grande partie.
Nous sommes bouleversés, effarés, révoltés par ce qui se passe. Comment aider, comment transmettre notre ressenti, notre perception sinon par l’art ? 

Nous avons fait le choix d’une double installation avec projection d’images sur des supports différents et significatifs : une construction/sculpture  en carton et des voiles transparents suspendus.


- Une « ville » en cartons déchirés construits/déconstruits pour dire la fragilité de nos existences, face à la guerre.  Le marché d’Alep, si vivant autrefois, est en ruines. Pour dire aussi que ces villes autrefois magnifiques, même  bombardées, sont encore, en partie, « debout ». (Alep, Homs, Ma’lûla, Palmyre etc...).



- Des voiles transparents : quelques « images » sur la guerre traversent  l’espace, notre espace-temps, nous parviennent et s’effacent. Le pétrole, nerf de la guerre, omniprésent dans la région, est pompé, transporté, transformé en dollars et … de nouveau en armes de destruction contre la population. Ce qu’on voit rarement sur nos écrans.

Les images sont là pour nous « dire », comme le chanteur de Yarmouk sur son piano désaccordé,  le désarroi  de ceux qui fuient et n’ont plus rien, de ceux qui restent et tentent de survivre.  Ayham Ahmed, cette voix de l’espoir, a bravé la guerre et la mort tant qu’il a pu, chaque jour, jusqu’à la destruction de son piano par Daesh.

Patrimoine du futur

Brigitte Chéry a écrit également quelques lignes concernant cette installation :

Les journées du Patrimoine, une occasion de découvrir les trésors du Musée des Beaux–Arts de Menton présentés en harmonie avec l’actuelle exposition d’art contemporain de l’UMAM pour fêter ses 70 ans : de jeunes artistes et d’autres déjà célèbres, peut- être le patrimoine du futur !
Déjà dans le jardin du Palais Carnolès, parmi la collection du musée, vous découvrez les sculptures choisies par l’UMAM, vous ne manquerez pas la toupie de Stefano Bombardieri, mais aussi les œuvres de Valdelièvre, KKF, Pierre Manzoni, Stephan Chavanis, Jacky Coville… et ferez d’autres étapes-découvertes en vous promenant.
A l’entrée du musée, accueil avec une magnifique sculpture de Tasic, puis une trentaine de beaux dessins de Jean-Marie Cartereau, un monde animalier plumes, poils, pigments et crayon sur papier d’Arches accompagne la montée d’escalier. Vidéo projection, photographie, dans chacune des salles, des œuvres fortes. Stefano Bombardieri, Herman Muys, Evelyne Galinski et Jean-Claude Borowiak, Elsa Ghossoub, Martin Hollebecq, Nasr-Eddine Bennacer, Antony Mirial, KKF, Fran Sieffert, Victor Soren…
Une installation parmi la cinquantaine d’artistes occupe une place toute particulière dans l’exposition sur un thème sous- jacent dans la création de plusieurs artistes. Suite à leur exposition Chaos à la galerie l’Entrepôt Daniel Boeri à l’été 2015, Héléna Krajewicz et Rob Rowlands poursuivent leur travail éphémère sur la Syrie, sur les pays en guerre et présentent une installation-vidéo très réussie sur le côté humain de la souffrance, sans voyeurisme avec des images triées, projetées et adoucies par des voiles.   

Voiles blancs…Lorsque la guerre entre dans les ors du musée, chaque jour des milliers de déplacés. Comment parler de leur détresse ?   
 
Propos : représenter à notre manière ce rapport que nous avons avec les informations qui nous arrivent sans montrer l’abominable. Ne pas faire un reportage sur la géopolitique et la guerre même. Faire réfléchir au trop plein d’images qui ne touchent plus. 
Pour le visiteur : prendre le temps de regarder, on est dans le questionnement, l’argent, le pétrole, mais au-delà  

Dans des pays sans issue, ce chanteur est le symbole de la résistance si elle est possible 

La marche des émigrés, les frontières, la survie, distanciation avec les voiles, 

Destruction des villes, des maisons, les briques de leur terre s’effondrent 

Le marché d’Alep, Homs, Maaloula… maisons et humains mêlés dans la destruction, Helena et Rob parlent du côté humain sans montrer l’insupportable comme font, disent-ils, les charognards, reporters de guerre qui mettent en scène leurs photos.
Des émotions, des sensations, de l’esthétisme tout au long de cette belle exposition de plus d’une cinquantaine d’artistes à suivre ou à découvrir avec des propos différents mais compréhensibles, souvent teintés par leur engagement personnel ou marqués par l’histoire de l’art et qui donnent matière à réflexion. 

Les expositions, anniversaire des 70 ans de l’UMAM, Episode 2, Simone Dibo-Cohen commissaire de ces expositions, se terminent le 28 septembre 2016 / Sculptures dans les jardins de Menton et exposition Musée des Beaux- Arts, et jardin du Palais Carnolès 3, avenue de la Madone Menton
Prochain rendez-vous Episode 3, le 22 octobre 2016 au 31 janvier 2017 Au Palais de l’Europe Galerie d’art Contemporain et Bibliothèque de la ville de Menton  

Brigitte Chéry - Photos Béatrice Heyligers

mercredi 7 septembre 2016

Cécile Andrieu chez Depardieu

Née en 1956 à Charleville-Mézières (Ardennes). Vis à Kanazawa (Japon).

La rencontre fortuite avec l’oeuvre de l’artiste japonais Arakawa Shusaku dont je fais l’objet de ma maîtrise d’arts plastiques (université d'Aix-Marseille I / 1980) me fait découvrir la culture japonaise. En 1982, boursière du gouvernement japonais puis de la Fondation du Japon, j'entreprends des études linguistiques et esthétiques à l'université de Tokyo qui aboutiront à un Doctorat de 3e cycle d’arts plastiques (université Paris I - Panthéon Sorbonne, 1986). C’est là l’amorce d’une réflexion sur la relation homme - espace - langage ciblée ensuite de plus en plus sur le mot, qui donnera lieu à une nouvelle production artistique.

Y a-t-il moyen de voir le monde sans être influencé par les mots? Comment percer "l'épaisse croûte de discours” (Italo Calvino) qui pèse de plus en plus sur le monde et nous aveugle, et pénétrer plus profondément la réalité? Tel est mon questionnement depuis le début des années 90. Je ne prétends nullement nier le caractère vital du mot pour l'homme. Au contraire, en faisant qu'il devienne le moyen même de son propre dépassement j'en souligne la valeur.

Dans mes œuvres le mot est tantôt présent en tant que tel tantôt juste suggéré mais toujours investi d'une présence silencieuse ou mieux d'une présence qui s'efforce d'éveiller le silence plutôt que de le combler. Je considère cette présence comme essentielle pour repenser notre relation avec le mot et approfondir notre expérience de la réalité.

Je travaille sur de petits objets comme sur de grandes installations étudiés généralement en relation étroite avec le lieu et son public. Beaucoup de mes travaux récents sont réalisés à partir de dictionnaires ou d’alphabets. Ceux-ci m’intéressent non seulement parce qu’ils représentent l’essence d’une langue mais aussi parce que, hors contexte, ils recèlent à la fois une forte ambiguïté et un riche potentiel que je m’efforce d’exploiter visuellement pour stimuler l’œil comme l’esprit, et éveiller chez le spectateur des résonances ou un questionnement nouveaux.
(Note de l'artiste)


Cécile Andrieu  - Soufflare

Vernissage Jeudi 8 septembre 2016 de 16 à 21h
 Exposition jusqu’au 8 octobre 2016

Galerie Depardieu - 6, rue du docteur Jacques Guidoni (ex passage Gioffredo)
06000 Nice
tél 09 66 89 02 74 - galerie.depardieu@orange.fr www.galerie-depardieu.com