samedi 28 février 2015

Les Chairs Dévotes de Francesca Di Bonito


La série Chairs Dévotes de l’artiste Francesca Di Bonito est l’exemple même d’une œuvre qui s’est construite sur un parcours d’expériences et de recherches plastiques au service d’une réflexion profonde sur les liens entre le sacré et l’humain dans sa réalité organique et métaphysique.
Les œuvres que nous présente Francesca Di Bonito sont monumentales comme le sont les sculptures qu’elle a observées et photographiées avec une précision quasi chirurgicale. Son regard et sa pensée aiguisés nous poussent à interroger nos existences et celle de l’humain dans toute sa complexité.

Détail_MADRE, sculpture photographique, technique mixte, 260 x 160 x 16 cm, 2014

Au départ est donc la photo. Moins vivante que la sculpture puisque perdant dans sa représentation le volume initial de la matière et sa sensorialité. Et cela n’aurait que peu d’intérêt si Francesca Di Bonito en restait là. Mais ce n’est justement qu’une fois la photo faite que le véritable travail de cette artiste commence ! Dans un lent processus créatif, avec une extraordinaire minutie et une dextérité d’artisan ou de médecin, à petits points de couture, avec des matériaux aussi divers que des perles, des bas de nylon, des dessins d’organes insérés dans leur réalité la plus crue, l’artiste détourne et modifie l’identité religieuse du sujet photographié pour mettre à jour un long cheminement
intellectuel aboutissant à une vision du monde exceptionnellement humaine. Réfléchie et décortiquée, comme pourrait le faire un légiste du corps et de l’âme. Et ce qui n’était qu’une photo d’une œuvre sculptée devient alors une photo sculptée d’une manière totalement contemporaine où les liens dévoilés entre le sacré et le réel nous interpellent et nous bousculent. Les figures religieuses de cette série ont des organes qui gargouillent, des désirs de chair, des muscles qui s’affichent comme des nouvelles peaux, des membres décortiqués dont la taille parfois exagérée signifie nos principales angoisses et inquiétudes. Et les titres polysémiques qu’elle choisit pour chacune de ces pièces monumentales, La Vanité du foie, L’Apnée du jugement, Réflexion marine ou Promenade fertile, au risque de paraître provocateurs, ne peuvent que nous inviter à réfléchir à notre statut d’être humain empreint de la culture judéo-chrétienne.

La Castration de l’amour, technique mixte, 130 x 100 x 12 cm, 2014
Mais le message délivré est aussi politique à plus d’un titre. D’abord parce qu’à l’œuvre originelle, tel ce Saint François d’Assise entouré de ses disciples, l’insertion minutieuse de plus de 400 pierres et bijoux, comme un envahissement de la richesse grignotant progressivement le symbole premier de la pauvreté, nous ramène à l’actualité d’un monde mercantile où l’argent-roi assassine une partie de l’humanité.

Promenade fertile, sculpture photographique, technique mixte, 200 x 100 x 12 cm, 2014

Mais aussi parce que dans l’époque si troublée que nous vivons une certaine forme de désacralisation du sujet tel que l’opère l’artiste des Chairs Dévotes est l’expression même du droit à la liberté de critiquer et de réfléchir pour ne pas que la pensée se fossilise et pour que l’homme renouvelle des valeurs qui autorisent une évolution et un devenir meilleur.

La Vanité du foie, sculpture photographique, technique mixte, 130 x 100 x 12 cm, 2014

Dans la tradition de l’artiste portant un message fort, qui nous questionne sur notre pensée individuelle et collective, Francesca Di Bonito nous offre une œuvre contemporaine, excessivement subtile dans sa formulation plastique et d’une puissance rare par les interrogations philosophiques qu’elle véhicule.
Simone Dibo-Cohen - Présidente de l’UMAM

Lab 44, 44 rue des Tournelles Paris. Du 19 mars au 22 avril.
Vernissage : samedi 21 mars à 17 heures.

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