jeudi 5 mars 2015

Art contemporain : quand un village découvre son territoire.


Le Centre International d’Art Contemporain de Carros (CIAC) nous offre habituellement dans son magnifique château des expositions qui nous présentent l’avant-garde de la création avec des artistes venant du monde entier. Avec son exposition « Carros, territoire artistique » on est devant une admirable surprise. Nous n’imaginions pas que ce merveilleux village renfermait en son sein des artistes aussi talentueux, qui sont loin de l’amateurisme. Cette initiative de la commune et du château nous fait réellement découvrir un territoire.

Marie-Annick Radigois nous amène à regarder les murs autrement, au travers d’aquarelles, et met l’accent sur leurs vies, leurs transformations ; des reliefs esquissés, un passé chargé ou joyeux transparaissent. Elle raconte « La folie ce n’est pas de parler aux murs, c’est de les entendre répondre ».

Carros c’est aussi une zone industrielle des années soixante et une ville nouvelle construite dix ans plus tard. Elizabeth Foyé utilise un objet du quotidien, présent dans toutes ces familles qui s’y installeront : la casserole. Les habitants vont les lui porter. L’artiste va alors les remplir avec des trames s’inspirant des éléments utilisés par les architectes et les urbanistes pour concevoir la ville nouvelle et recolorisée. L’installation est plus que séduisante.

Elizabeth Foyé - A l'emporte-pièce - Installation de 92 casseroles (détail)
Lorsque l’on pénètre dans la salle qui expose Dominique Landucci, on découvre des panneaux carrés très décoratifs, d’une grande finesse. Puis, la lumière s’éteint et à ce moment- là les œuvres apparaissent sous la forme de nouvelles images colorées, surprenantes. Au Louvre le laboratoire fait apparaitre régulièrement les couches de peintures et de dessins cachés situées sous l’œuvre des grands artistes. Seuls les spécialistes en profitent. Ici, Landucci nous offre la face cachée de son travail, mais la plus créatrice.

Mais Carros pourrait ne pas être sur la Côte d’Azur, mais au Tchad. C’est le voyage qu’a effectué Jean Thiry : du sable, de l’huile, des étoiles, du vent, des dunes : un ensemble chromatique exceptionnel. Les toiles de grande taille nous transportent dans un autre monde, dans cette Afrique rêvée, idéale, envoutante, vers une recherche de l’essentiel, de l’origine du monde et du paysage de la création de notre propre humanité.

Pascale Dieleman fabrique des petits bijoux. Elégants, certes, mais qui risqueraient d’être banaux s’ils n’étaient assemblés sur des toiles carrées, des trombinoscopes. Un des carrés est une simple glace, histoire que nous devenions nous-mêmes une œuvre d’art…

Avec Pascale Dupont c’est le livre qui apparaît. Il n’y a rien à lire mais tout à voir. L’écrit devient objet au travers de la toile, du papier, du parchemin, du bois… Il se développe en rouleaux sur une table, accroché aux murs telles des archives oubliées, se détruit et se réassemble ou, tout simplement marouflé, nous interpelle comme un cri, un appel. 
Pascale Dupont - Arête - Papier marouflé sur bois
La salle consacrée à Daniel Fillod témoigne de l’évolution d’un artiste des années quatre-vingt dix à nos jours. « La cène » est le meilleur exemple d’un art riche en couleur mais économe. En effet sur toutes ses toiles la trame apparaît, trame qui est souvent celle d’un drap de lit tendu (son père semble-t-il, en vendait)

La hongroise Suzanna Tar aime l’eau, la transparence, la création et surtout la procréation. Elle parcours la vie : « La vie est en perpétuel mouvement. La mort stabilise la vitesse de déplacement ». C’est donc une crucifixion transparente qui est suspendue dans le grand escalier du château : d’un côté un homme, de l’autre une femme. Papillons, saint Esprit volètent tout autour.

Le photographe Lionel Bascoulard est devenu plasticien et nous propose des bronzes de qualité comme le triptyque opéra. Des œuvres construites, assises, stables.

Et puis une heureuse surprise, Octave Denis Victor Guillonnet. Vous ne le rencontrerez pas, il a disparu en 1967. Ce carrossois, ami de Matisse, Bonnard et Derain, fut un grand illustrateur et affichiste. Outre une toile « les oliviers à Carros », le CIAC nous présente un travail passionnant, des dessins pour des peintures destinées à un palais officiel d’Amérique du Sud. Tous les dessins sont en parallèle avec les personnages nus, puis les personnages habillés dans des tenues sud-américaines. En réalité ce sont des habitants de Carros de l’époque. En visitant cette salle on comprend le travail de recherche de l’artiste que l’on a retrouvé sur un rouleau abandonné dans un grenier du village.

Il y a dans cette visite du château de Carros un voyage initiatique. Car le CIAC se mérite. Il faut monter à pied (on ne peut pas faire autrement) à travers les ruelles du village superbe, bien entretenu, avec une vue exceptionnelle. D’un côté la neige sur le Mercantour, de l’autre le soleil qui scintille sur la Méditerranée. Le château c’est la récompense d’un territoire artistique qui s’exprime avec talent.

Christian Gallo - © Le Ficanas ® - Photos : Gallo

Exposition jusqu’au 31 mars – Centre International d’Art Contemporain

Château de Carros (fermé le lundi)

Dimanche 29 mars / 15h-17h
Un dimanche en famille, parcours ludique suivi d’un atelier et d’un goûter
[Parents et enfants à partir de 6 ans, gratuit, sur réservation]. Tél. 04 93 29 37 97

3 commentaires:

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  2. Merci beaucoup pour cette superbe présentation : elle incite à venir la découvrir de visu.
    Cordialement
    Marie-Annick Radigois

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