dimanche 25 mars 2018

Tatiana Wolska à la Galerie de la Marine, Nice

Habitat potentiel pour une artiste

L’installation de survie de Tatiana Wolska 




La première impression est un effet de surprise. Un énorme amoncellement de chutes de bois fixées les unes aux autres, qui prend forme quand on le contourne, avec ici un morceau de chaise cloué, là un objet hétéroclite… Poussé par la curiosité, on cherche une ouverture, courbé on avance dans les entrailles de cette sorte de boyau à claire voie.





Ensuite suivent des méandres et au fil du cheminement, petit à petit ressentir, découvrir, des marques de présence, une table, un éclairage, des sièges. En progressant encore, une échelle conduit à un lieu de repos avec paillasse, plus loin, il faut être agile pour y accéder, une pièce avec des restes de repas et verres. Tatiana Wolska même absente, nous accueille dans son monde, un monde de réflexion sur la vie et la survie, d’une manière ludique, dans cette bulle éphémère construite avec les moyens du bord, des déchets de bois, de récupération.


Une habitude venue de chez moi, de la Pologne un pays très intelligent, où tout était récupéré, tout pouvait servir, c’est devenu une position politique, comme un tic, ce n’est pas vraiment de l’écologie. En sortant de la Villa Arson, je n’avais pas un sou, je fouillais dans les poubelles, j’ai commencé à travailler avec des bouteilles que je soudais.


La récupération, les échanges, les friperies, c’est un choix !



Tatiana Wolska est née en Pologne en 1977 et vit actuellement à Bruxelles. Elle aborde l’art sous différentes formes, la sculpture lui convient particulièrement, le dessin aussi, la toile blanche neuve la bloquait jusqu’il y a peu. La sculpture donc avec une certaine obsession de la récupération, Arte povare, peut- être mais surtout Tatiana Wolska sort son travail de ses tripes, de ce qui l’a nourri et a modelé à jamais sa personnalité. Ses jeux d’enfant d’abord, toute petite je bricolais déjà, ce monde du collectif. Surtout c’est une véritable artiste avec une formidable énergie, un immense besoin de créer, de faire sortir ce qu’elle a dans le ventre, d’avancer toujours, avec une richesse d’imagination continuellement en mouvement.


Il ne lui aura fallu que 9 jours pour réaliser avec un assistant de la villa Arson, d’un geste rapide, répétitif, obsessionnel cet habitat potentiel pour une artiste, sans plan préparatoire. Précisons pour une artiste, elle y tient, ce n’est pas une réponse sexiste à une rivalité artistique mais un positionnement féministe opposé à la violence de la Pologne et qui s’est prononcé contre l’avortement.



Ce nid comme l’aurait bâti un oiseau avec des brindilles glanées, cette architecture construite ici dans ce musée, lieu protégé où l’artiste a pris place, elle ne la détruira pas, d’autres le feront, c’est sans regret, peu importe qu’elle soit éphémère. Seul regret, ne pas l’avoir habitée plus longtemps, mais déjà elle passe à autre chose, dans quelques jours elle sera en Belgique à la Fondation Boghossian, villa Empain.



Il y a bien sûr plusieurs lectures de ce travail, comme l’indique la critique d’art Marianne Derrien, se référant au livre de Mike Davis « Le pire des mondes possibles, de l’explosion urbaine au bidonville global. », c’est un avertissement sur la croissance des villes, mal gérée économiquement, car c’est officiel plus de la moitié des habitants de la planète sont citadins. Cette croissance démographique citadine, sans véritable plan de développement économique, fait envisager le pire ... « Bien loin des villes de lumière imaginées par les urbanistes, le monde urbain du XXI ième siècle ressemblera de plus en plus à celui du XIX ième, avec ses quartiers sordides, dépeint par Dickens, Zola, Gorki. »*



On ne peut oublier de mentionner la poésie de cette œuvre, ses traversées de lumière, l’expérience sensorielle du bois et le plaisir du jeu que l’artiste communique au public. La recherche de l’enfance est très présente et le désir viscéral de peut- être un retour aux sources. Plus légèrement c’est une invitation à l’évasion, à une aventure comme celle recherchée par les enfants dans les cabanes de jardins.



En parallèle à cette présentation, la galerie Catherine Issert à Saint Paul qui la suit depuis longtemps, propose une exposition Liaison, à découvrir jusqu’au 31 mars.



Une exposition généreuse avec des pièces très travaillées, geste d’ébéniste, des sculptures sortes de tripodes déglingués, aux lourds sabots, en déséquilibre,



Tandis que court le long d’une cloison, une surprenante installation, sculpture murale, poétique et organique, avec des ronds de bosse, réalisée avec plus de 100 kg de vieilles bâches salies ! Tatiana Wolska revient à la peinture d’une manière boulimique dit-elle, on pourra découvrir plusieurs grandes œuvres sur papier, apprécier ses très beaux dessins et des sculptures aux transparences fragiles. Voilà avec l’installation de la Galerie de la Marine à Nice, un bien beau parcours de la création de Tatiana Wolska.

*Si on ne change rien, l’humanité future habitera dans des cartons.

Extrait : Le pire des mondes possibles, Mike Davis édition la découverte poche 2007


Brigitte Chéry 13 mars 2018
Photos copyright : Béatrice Heyligers

Galerie de la Marine
59 quai des Etats –Unis 063000 NICE
Tel. 0493919292 fermé le lundi
24 février-10 juin 2018

1 commentaire:

  1. Je n'ai jamais dit que la Pologne est un pays tres intelligent!J'ai un paquet de choses a lui repprocher!(surtout depuis 2 ans!). Par contre une des choses dont je suis nostalgique ,c'est ce debroille -systeme pour les raisons malheuresement purement economiques...

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