Tous les deux ans,
l’Union Méditerranéenne pour l’Art Moderne (UMAM) décerne à l’occasion de ses
biennales un grand prix, le prix Matisse, du nom de l’un de ses parrains,
l’autre étant Bonnard. 2016 fut une année exceptionnelle, car au lieu d’une
simple biennale, ce furent plus de quinze expositions organisées à Marseille,
Nice, Beyrouth, Menton, Villefranche-sur-Mer, Aspremont, Etc. En effet l’UMAM
fêtait les soixante-dix ans de sa fondation, ce qui, probablement, fait de
l’association la plus ancienne d’Europe dans l’art contemporain. Ce furent donc
des centaines d’artistes présents sur les cimaises et dans les salles, les
chapelles et les palais.
On va retrouver Marc
Alberghina à plusieurs reprises et pas tout à fait par hasard. En 2014 déjà,
lors de la biennale qui se tenait cette année-là au château-musée Grimaldi de
Cagnes-sur-Mer, son crucifix en hommage à Pablo Picasso avait impressionné et
provoqué de nombreux articles de presse. Son cercueil formé d’urnes a étonné
aussi bien à Villefranche qu’au palais de l’Europe de Menton. Que la présidente
Simone Dibo-Cohen et les membres de l’UMAM décident de lui accorder ce prix
exceptionnel est largement mérité et l’exposition organisée au musée Cocteau
est la juste récompense d’un travail de grande qualité.
Parmi les milliers
d’artistes exposés par l’UMAM, parmi soixante-dix ans de récompenses, ce n’est
que la deuxième fois que l’Union Méditerranéenne pour l’Art Moderne couronne un
céramiste. Le premier fut Roger Capron, qui l’année de la fondation de l’UMAM
arrivait à Vallauris. Marc Alberghina travaille aussi à Vallauris. En 1970
Capron obtient le grand prix international de la céramique ; Marc
Alberghina l’obtient lui en 2016. La réputation de Capron est mondiale, celle
d’Alberghina est en passe de le devenir.
Mais quand Capron
travaillait à Vallauris, la ville était un grand centre de la création de la
céramique ; ce n’est plus le cas aujourd’hui, car le goût des publics a
évolué, devenus de simples visiteurs qui passent, ils ne sont pas attirés par
la création mais plutôt par l’objet souvenir ou utilitaire, souvent fabriqué au
bout du monde.
Avec Alberghina
l’émail prend une autre valeur : parfois blanc, parfois très coloré, il
resplendit et témoigne d’une maîtrise pratiquement unique en France.
L’outrance, la violence, le sacré, l’interdit, la sauvagerie caractérisent ses
œuvres souvent iconoclastes. Il aime le blanc mais bordé de couleurs. Ses urnes
ont des liserés d’or, ses « Saint Sébastien » des taches de sang, ses
« Canis Ligua » dégoulinent sur les socles… Cependant tout est
beau ; on n’est pas outré en voyant ses céramiques, on reste sans voix,
presque sans air.
Pourtant dans toutes
ses expressions, rien n’est gratuit, tout est référencé. Les langues de chien
nous font penser aux Rolling Stones, et de ce fait l’outrance devient attirante
et sensuelle. Qui n’a pas vu sa sphère formée de sexes masculins (dont un seul
en creux et en or) serait déçu. Quand elle est exposée, immanquablement tout le
monde vient la toucher ; on a même vu un soir de vernissage les élus d’une
commune se faire prendre en photo en la caressant…
Est-il
morbide ? Il ne faut pas négliger les origines siciliennes de Marc
Alberghina. Dans cette île les catacombes, comme celle des Capucins à Palerme,
parsèment la terre : elles sont romaines, chrétiennes, juives, en
particulier vers Agrigente dans la partie occidentale de l’île. Alberghina
expose alors au grand jour ce qui est souterrain. Il n’est pas plus morbide que
l’était Jérôme Bosch, mais avec autant d’imagination et d’outrance. Cette
sensualité mortifère est accentuée par la beauté du brillant de la céramique.
Ses sculptures deviennent alors séduisantes et parfois baroques. C’est le cas
de ce roi présenté à Menton, squelette blanc richement vêtu et couronné, assis
dans un fauteuil doré et nimbé d’un soleil rayonnant. De fait ses squelettes,
ses ossements assemblés sont pleins d’humour, de jubilation parfois. Rien n’est
gratuit et tout est attrayant.
Le 20 octobre
prochain, Simone Dibo-Cohen lui remettra, au nom de l’UMAM, le diplôme du Grand
Prix Matisse 2016. Il rejoindra, à ce moment là les gloires exposées par
l’association : Picasso, Braque, Carzou, Chagall, Kandinsky, Klein,
Soutine, Utrillo, Vasarely, Modigliani et bien entendu Matisse et Bonnard. Il
rejoint également Hirst, Garouste, Dolla, Pignon-Ernest, Régent, Sosno,
Viallat, Ben, Bombardieri, Pahlavi, Franta, Castellas, Tatah...
Christian Gallo
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