INSCRIPTIONS TERRESTRES
Loin d'ici, de nos temps vaguement arriérés, on peut lire Saint-Simon. Je lis "La mort de Louis XIV", cœur de ses "Mémoires". Je lis lentement, c'est comme une flânerie. Au vu de son long règne de soixante-douze ans, le monarque ne pouvait se permettre de mourir à l'improviste, il lui fallait lanterner dans l'agonie, royalement. Il se devait de rendre possible une mise en scène grandiose de son absence. Et donc, cette majesté dans la chute, avant le grand voyage, supporte bien que l'on aille et vienne, à petites journées, dans le récit qui nous en a été laissé.
L'année (1715, il y a trois siècles exactement) semble tout entière placée sous le signe de la mort puisque, dans les premiers mois, disparaissent le comte de Grignan, gendre de Madame de Sévigné, le maréchal de Chamilly, Fénelon, la duchesse de Nevers, le cardinal de Bouillon, l'abbée de Lionne, la princesse d'Harcourt, le duc de Richelieu, Nesmond, évêque de Bayeux, Chauvelin, avocat général, l'abbé d'Estrades, Mme de Coëtenfao …
Tous disparus, ainsi peut-être que Henri Ménard, aubergiste à Marcq-en-Barœul, Alphonse Neuvielle, un artisan serrurier de Moulins ou Francette Jaumier, une jeune paysanne des Causses, qui partit de fatigue et de la poitrine. Sale année. Comme toutes les autres.
Un constat simplissime devrait nous venir à l'esprit, et d'autant plus à notre esprit d'altiers vivants du troisième millénaire – "crâneurs", donc - : nos crânes, avant comme après, se ressemblent. Ils s'apparentent, malgré nous, comme s'imitent entre eux les carcasses du comte de Grignan et de la petite paysanne ou celles du serrurier Neuvielle et de la princesse d'Harcourt. Voilà une chose à laquelle nous ne pensons guère et qui pourtant dit bien ce que nous sommes et serons.
Vanité au miroir |
Y a-t-il plus bel exemple d'un homme qui sut mieux faire vanité de lui-même et de son pouvoir (confondus en un) que ce Roi Soleil ? Mais, laissons-le à son éternité, commune somme toute.
Vanity Mac II |
Vivant … il n'y a pas plus vivant que cet homme-là, Jean-Philippe Pernot, force de la nature. Je dis force de la nature comme je dirais roc, montagne vivante, ardeur cordiale, vitalité. Mais dire cela c'est dire, chez tout homme et plus encore chez l'artiste, l'inquiétude de vivre. Comme si regarder devant soi c'était voir tout en même temps l'arbre sémillant et la colline nue, le désert.
Vanité Fécond 01 |
Pour Pernot, ces Vanités ne sont pas seulement des avertissements – ce qu'elles sont, et comment ! – ce sont des étourdissements. C'est ainsi qu'il les trouve et les offre. Et c'est ainsi qu'elles vivent et parlent.
Eric Saner
VERNISSAGE : Jeudi 14 janvier 2016 de 16h à 21h
Exposition jusqu’au 13 février 2016Galerie Depardieu - 6, rue du docteur Jacques Guidoni (ex passage Gioffredo) - Nice
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