mardi 8 mai 2018

Les péripéties d’accueil du Message Biblique de Marc Chagall.



On connait bien les peintures du plafond de l’Opéra de Paris, les décors et costumes pour des ballets aux Etats Unis, et bien sûr le Musée National Marc Chagall et son Message Biblique avec vitraux et mosaïques, mais les étapes qui menèrent à la création de ce musée à Nice sont moins connues. L’exposition actuelle, De la chapelle au musée, la création du Message Biblique, proposées par Anne Dopffer et Johanne Lindskog, nous en fait vivre les rebondissements.

Parcours de l’exposition avec Johanne Lindskog, conservatrice du patrimoine au musée national Marc Chagall  

La sensibilité esthétique de Chagall pour l’illustration biblique nous est présentée, documents à l’appui avec un bel et intéressant parcours. Ce choix créatif religieux, de l’artiste s’est imposé au cours de son voyage avec Bella en Palestine, Egypte et Syrie. Marc Chagall en revient avec la certitude que « la Bible est une partie de lui-même. » Déjà ce choix apparait dans le tableau La sainte Famille, Marie et Joseph dans une isba, dans la tradition et la vie des habitants de Vitebsk. Un tableau sombre présenté ici. Ensuite l’évolution des couleurs après ce voyage en orient est très perceptible dans les gouaches préparatoires que nous découvrons. Des plaques de gravures pour l’illustration de la Bible commandée par Amboise Vollard, des ébauches, des eaux fortes sont exposées, le projet passe entre plusieurs mains après le décès de celui-ci. C’est seulement en 1956 que les gravures seront publiées par l’éditeur ami des artistes, Tériade, dans la revue Verve avec des lithographies en couleurs, suivra une Bible illustrée avec l’ensemble des gravures et des extraits des Saintes Ecritures, ouvrages visibles en vitrine.

Marc Chagall bien que devenu français, a dû pour échapper au nazisme, partir aux Etats- Unis comme beaucoup d’autres artistes, la notion de juif errant le poursuit. Cinq grands tableaux réalisés à son retour des Etats Unis avec des compositions semblables à celles de la Bible illustrée annoncent le cycle biblique : Abraham, Moise, le roi David, les fondateurs de la religion juive.

Marc Chagall engagé de plus en plus dans ce grand cycle du Message Biblique, envisage un lieu de recueillement pour son œuvre, une chapelle comme Matisse, il choisira la Chapelle du Calvaire à Vence, et propose une interaction très précise entre le lieu et ses œuvres. Des courriers, archives diverses sont présentés à la lecture du visiteur, et ce n’est pas si lointain. La présence dans cette chapelle de sculptures du XVIII siècle, de très grandes tailles, le coût de leurs déplacements, les droits de propriété des peintures de Chagall, les budgets municipaux et diverses questions pratiques font échouer le projet qui est abandonné. Les tableaux n’ont toujours pas de lieu pour les accueillir.

André Malraux, qui deviendra Ministre de la Culture, développe à cette période, un projet de décentralisation et de commandes prestigieuses aux grands artistes du XX ième siècle, avec des réalisations muséales en région. Suite à plusieurs donations à l’état et finalement de la totalité des tableaux et esquisses du Message Biblique par l’artiste et Valentina Chagall, un projet architectural prend corps avec l’architecte André Hermannt. Ce sera un musée financé par l’Etat français, le lieu choisi sera la ville de Nice qui lui a consacré plusieurs expositions dans les années 1950 et Chagall choisit la colline verdoyante de Cimiez, il nous accueille à l’entrée du musée avec cette inscription … « La Bible est comme une résonance de la nature et c’est là le secret que j’ai cherché à transmettre. » L’exposition actuelle, de la Chapelle au Musée, nous délivre beaucoup d’étapes et de détails sur la création de l’œuvre et ses difficultés d’accueil.

Le musée a ouvert ses portes, le jour anniversaire des 86 ans de Marc Chagall, le 7 juillet 1973 après bien des changements et modifications. L’artiste très inquiet a particulièrement travaillé à la réalisation des vitraux de la salle de concert, à la mosaïque et à la tapisserie originale. L’architecture contemporaine finale, de pierre et aluminium, crée un espace esthétique hors du temps, propre à l’accueil de ces magnifiques tableaux, incitant une réflexion spirituelle et méditative, particulièrement propice à notre époque.


Brigitte Chéry le 7 mai 2018
Photo BEATRICE HEYLIGERS 

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