Du 30 mai au 12 septembre : «Apesanteur enchantée »
Avec le musée des Arts asiatiques, lieu d’ouverture, de rencontres et d’échanges, le Département des Alpes-Maritimes a pour ambition d’établir un pont entre la culture occidentale et l’Asie. Il ne pouvait donc pas manquer le rendez-vous des Années croisées qui célèbrent les 130 ans du traité d’amitié et de commerce entre la France et la Corée, marquant le début des relations diplomatiques entre nos deux pays.Dans le cadre de l’année de la Corée en France, le musée départemental des Arts asiatiques propose, du 30 mai au 7 novembre 2016, une saison coréenne, exceptionnellement riche : trois expositions, des conférences, des ateliers de savoir-faire typiquement coréens et un cycle de cinéma destinés à faire découvrir la culture du pays du matin calme, avec des productions traditionnelles ou plus actuelles.
Le Département se devait de rendre hommage à l’immense créatrice Seund Ja Rhee qui résida plus de cinquante ans sur la Côte d’Azur. Première artiste coréenne à avoir pratiqué l’art abstrait, elle reste la seule représentante de son pays au sein de l’École de Paris. Née en Corée en 1918, elle découvre la France dans les années 1950 puis s’installe à Tourrettes-sur-Loup où elle fait construire un atelier aux formes singulières, à l’image des motifs récurrents de sa peinture. Avec l’exposition « Apesanteur enchantée », le musée départemental des Arts asiatiques propose une sélection d’œuvres de cette plasticienne à la renommée internationale, qui a marqué l’histoire de l’Art par ses peintures, gravures, céramiques et bronzes.
L’artiste, aussi moderne qu’ancrée dans la tradition, nous offre son univers très personnel, ses représentations du monde qui semblent échapper à la pesanteur et qui entrainent le spectateur, l’invitant à hausser son regard au plus loin, pour y découvrir l’univers et ses splendeurs insoupçonnées.
L’EXIL
« Je n’ai rien, je ne suis rien, je viens de renaître sur une autre terre ». Par ces quelques mots empreints de tristesse et d’un formidable espoir, Seund Ja Rhee décrit son expérience de l’exil. Nous sommes en 1951, Paris accueille cette jeune femme coréenne de 33 ans qui vient de faire le choix douloureux de quitter son pays en guerre, de s’éloigner de sa famille, pour suivre une vocation artistique longtemps contenue.
Dans un pays dont elle ne maîtrise pas la langue, elle affronte les difficultés d’une vie matérielle très précaire, et les difficultés d'une vie matérielle très précaire et les effets déstabilisants d’un choc culturel violent. De cette rupture fondatrice naîtra un style original qui va se construire peu à peu. S’imprégnant de l’art européen, elle se forme auprès d’Henri Goetz et d’Yves Brayer et se laisse porter par diverses influences, pour rapidement trouver sa propre expression : une symbiose entre l’esthétique coréenne et la peinture occidentale, où l’on devine une sensibilité toute féminine, et une force puisée au plus profond d’elle- même, celle-là même qui lui a permis de tout quitter pour devenir une artiste.
DÉCOUVERTE DE LA GRAVURE SUR BOIS
Elle évite l’écueil d’une trop forte occidentalisation de son style, notamment grâce à la découverte d’une nouvelle technique - la gravure sur bois -, qui devient son mode d’expression privilégié. Elle est alors la première artiste coréenne de l’histoire à pratiquer la gravure sur bois en couleur. Ce mode d’expression devient pour elle un exercice physique et spirituel qui la relie à la Nature. Seund Ja Rhee perfectionne cette technique jusqu’à développer un style graphique très original. Elle délaisse les presses mécaniques pour imprimer elle-même ses planches, usant de sa force ou s’aidant de rouleaux pour créer des œuvres uniques. Elle n’hésite pas à rechercher des éléments naturels, branches et branchages, qu’elle fend sur la longueur ou qu’elle tranche, qu’elle enduit de couleurs et dont elle se sert comme de tampons pour imprimer son support : « Je présente les arbres tels qu’ils sont. Autrement dit, pendant ma promenade dans la forêt, je choisis la forme de l’arbre, et c’est justement à partir de cet aspect naturel que je conçois ma gravure ». Aux irrégularités de la fibre, elle ajoute, par incision, des caractères qui rappellent l’écriture coréenne ou japonaise. Attentive à rester au plus près de la nature, elle fabrique ses encres et joue de leur densité pour donner de la profondeur à ses œuvres.
LA PEINTURE DE SEUND JA RHEE : VERS LES CITÉS DU FUTUR
Parallèlement à cette activité de gravure sur bois, l’artiste produit dès les années 50 une série d’huiles sur toile, d’abord de style figuratif puis de plus en plus abstraites. A la n des années 1960, elle abandonne la peinture à l’huile, pour adopter définitivement le medium acrylique qui lui permet de réaliser, grâce aux aplats et aux effets de l’aérographe qui projette de fines particules de couleur sur la surface, un travail beaucoup plus éthéré.
En 1969, Seund Ja Rhee part en voyage aux États-Unis. La ville de New-York suscite chez elle une nouvelle sensation. Celle qu’un être humain peut ressentir devant l’immensité des gratte-ciel et la découverte d’une ville unique au monde. Sun Ja Rhee, si proche de la nature, élargit alors, et presque paradoxalement, sa réflexion au monde de la cité, des grandes métropoles arti cielles dans lesquelles elle retrouve pourtant les mêmes principes organiques : forme complexe, agencement des modules, réseau sillonnant des rues et des rivières... C’est tout d’abord une série d’œuvres qu’elle intitule « Superposition » sur lesquelles lignes et plans se super- posent et se croisent. Puis, à partir de 1972, avec les séries « Cité » et « Yin et Yang », apparaissent des compositions géométriques encore plus puissantes, aux couleurs très expressives comme le rouge et le bleu. Ses toiles s’animent de formes concentriques simples et imbriquées, inspirées des symboles du Yin et du Yang, du positif/négatif, remontant ainsi, une fois encore, aux sources de son héritage asiatique.
A la même époque, Seund Ja Rhee entreprend aussi une série qu’elle appelle « Intemporel » avec laquelle elle fait une réutilisation originale de ses bois d’impression, qu’elle dispose et colle sur de grandes toiles peintes, créant ainsi des compositions « végétales » à relief.
Les vues aériennes fascinent l’artiste. A partir des années 1980, elle réalise la série « Chemin des antipodes », à partir des paysages vus d’avion, du Pôle Nord et de la Sibérie. Le souvenir de ces paysages remonte à 1965, date qui marque son retour régulier en Corée. On découvre sur ces toiles l’immensité du ciel et les chaînes montagneuses qu’elle survole.
A partir de 1995, les neiges éternelles, qui tenaient le rôle principal du « Chemin des antipodes », disparaissent. Avec la série « Cosmos », Seund Ja Rhee opère une symbiose entre sa vision de la cité et les paysages vus du ciel. Elle nous décrit alors les villes du futur, des cellules arrondies qui s’emboîtent en complémentarité, qu’elle imagine en apesanteur dans l’Univers, au milieu des étoiles et des planètes.
RIVIERE ARGENT
En 1968, alors qu’elle rend visite à son ami Christophe Collot à Tourrettes-sur-Loup, près de Vence, Seund Ja Rhee tombe sous le charme de la région et achète une ancienne bergerie avec son terrain. Au début, elle y vient l’été pour pratiquer principalement la gravure sur bois. En 1984, elle met la touche finale à la mosaïque située à la porte de l’entrée principale et trouve un nom à sa maison «Rivière Argent».
Seund Ja Rhee disait, en parlant de son atelier, qu’il était une œuvre réalisée dans une tentative d’atteindre la perfection dans sa vie.
EXPOSITION
L’exposition présente une sélection variée d’une cinquantaine d’œuvres de Seund Ja Rhee, conservées dans son atelier de Tourrettes-sur-Loup depuis sa disparition en 2009 : gravures, peintures, céramiques, livres d’auteur et sculptures en bronze. Elle permettra au visiteur d’apprécier le parcours de l’artiste, depuis sa période figurative au début de sa carrière jusqu’aux représentations de ses villes du cosmos réalisées à la n de sa vie. L’accrochage sera accompagné des vers du célèbre écrivain du Nouveau Roman, Michel Butor, avec lequel elle entretenait des liens étroits de collaboration artistique.
Née en 1918, Seund Ja Rhee, plasticienne de renommée internationale, fait partie d’une génération d’artistes professionnels coréens installés en Europe, ayant réussi à construire un style et un univers authentiques. Première artiste coréenne à avoir pratiqué l’art abstrait, elle reste la seule représentante coréenne au sein de l’École de Paris. A ce titre, elle mérite une place remarquable dans l’histoire mondiale de l’Art contemporain et dans celle de la Corée.
L’artiste entretient avec la Côte d’Azur un lien fort et privilégié. Dès les premières années de son exil, elle s’installe dans le sud de la France, à Tourrettes-sur-Loup dans les Alpes-Maritimes, où elle fait construire son atelier « Rivière argent », bâtiment baigné de lumière, selon des plans qu’elle dessine elle-même. Elle ne va cesser d’y créer durant toute son existence, et jusqu’à plus de 90 ans. L’artiste nous lègue un ensemble d’œuvres qui transcende le temps et démontre sa créativité. Il englobe un éventail artistique beaucoup plus large que la seule peinture, et comprend des gravures, des livres d’auteur, des céramiques, des mosaïques, des tapisseries et des sculptures en bronze. L’exposition «Apesanteur enchantée» propose une sélection d’œuvres, qui illustre son parcours artistique.
Cette exposition est organisée en partenariat avec la Fondation Seund Ja Rhee à Séoul et l’Union Méditerranéenne pour l’Art Moderne (UMAM).
405, promenade des Anglais - Arénas
04 92 29 37 00 - http://www.arts-asiatiques.com
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