lundi 6 juin 2016

Bombardieri réveille Menton avec le temps qui passe.

Lors de la biennale 2014 de l’UMAM, Stefano Bombardieri avait surpris le public avec son fameux rhinocéros suspendu au bord de mer du Cros de Cagnes. Inspiré du film de Fellini « E la nave va », il évoquait ce puissant animal suspendu dans le vide et pitoyablement vulnérable. A l’occasion de l’anniversaire de la fondation de l’Union Méditerranéenne pour l’Art Moderne de cette année, il a décidé d’envahir, et surtout de surprendre Menton.

Perché sur un grand socle noir devant le fort du Bation, le gorille s’impose par sa dimension. Sur la poitrine trois chiffres sont allumés en rouge et vont en diminuant. Certains cherchent un rapport avec l’heure, mais le rapport est avec le temps : ces trois chiffres témoignent du nombre de gorilles restant sur la planète. Mais est-ce également notre disparition ? En effet le gorille est un hominidé et le plus proche parent de l’homme dans le règne animal. Dans 50 ans ils auront tous disparu, à cause de l’homme, par la déforestation et la destruction de leurs habitats. Actuellement ils sont, comme l’homme, victimes du virus Ebola.

Devant la façade classique du palais Carnolès, une toupie a atterri, comme un satellite venu de l’espace et qui a bruni en traversant, enflammé, la stratosphère. Face à l’allée principale des jardins, bloquant la façade, elle est le jouet d’un Géant, probablement fils de Gaïa et d’Ouranos revenant de Grèce. L’opposition entre la sculpture et l’aspect traditionnel du palais est impressionnante, car la dimension de cette toupie est déroutante.

Dans la mythologie grecque, Gaïa est la personnification de la Terre. Elle est également la déesse-mère, ancêtre qui va engendrer toutes les races divines et les monstres. Pour Stefano Bombardieri, la déesse est devenue une petite fille qui tire une énorme baleine pour la replonger dans la Méditerranée. A nouveau Bombardieri se préoccupe de la disparition d’une race animale. Subitement le parvis du musée Cocteau de Menton se transforme en lieu de culte. Il faut s’assoir devant la petite fille et la baleine géante, et parler. En effet elle est à l’origine de l’oracle de Delphes que s’appropriera plus tard Apollon. Avec « Gaia e la balena » Bombardieri a inversé le gigantisme : normalement c’est la déesse qui est géante et il en fait une petite fille. La baleine en voie de disparition ? Certes avec la pêche à outrance.


En réalité, le gigantisme des œuvres de Stefano Bombardieri a pour but, au travers de leurs dimensions, de nous faire prendre conscience du temps qui passe, du monde qui change, de la disparition, de la mort. Cet artiste de réputation internationale qui oscille entre l’hyperréalisme et le surréalisme, qui œuvre dans des grandeurs impressionnantes, marque incontestablement cet anniversaire des 70 ans de l’UMAM. Il est le digne descendant de Matisse et Bonnard par la qualité de son travail.

Christian Gallo - © Le Ficanas ® - Photos : Christian Gallo




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