LE CRI D’ALARME DES ARTISTES CHOISIS PAR L’UMAM
Mercredi, 03 Septembre 2014 12:24
Comment résister à la tentation de gravir les ruelles du Haut de Cagnes à la découverte des Mises en scène de la biennale de l’UMAM ! D’abord par curiosité, pour comprendre l’intégration de la création actuelle à l’esprit de l’Union Méditerranéenne pour l’Art Moderne dont Matisse et Bonnard étaient membres d’honneur, sans doute aussi pour le mystère du Château Grimaldi magistral et pavoisé, et bien évidemment pour la forte personnalité de Simone Dibo-Cohen, présidente et commissaire de l’exposition dont voici quelques lignes pour rappeler son parcours.
Simone Dibo-Cohen : une âme de collectionneuse !
Dès l’enfance Simone a baigné dans un milieu artistique, son père chantait à l’opéra, collectionnait et accueillait des artistes. Elle fait d’abord du théâtre, amoureuse des mots et de mises en scène, elle se délecte des beaux textes, mais elle quitte cette voie pour faire les Beaux Arts. J’avais l’œil très critique, à 15 ans je collectionnais déjà. Son mari romancier et collectionneur lui aussi, l’incite à se lancer dans la profession. Exposer des artistes. Son goût va vers les jeunes artistes émergeants pas encore lancés. Elle expose 3000 artistes à la galerie Art 7 à Nice, pendant plus de 20 ans, présente des grands ou de jeunes talents dont certains sont devenus très célèbres. Ses obligations personnelles prennent le dessus, elle abandonne le local qu’elle louait, qui nécessitait des travaux, s’absente du milieu culturel, et accompagne parents et mari en fin de vie. Mais la passion est toujours là, passion partagée par un autre collectionneur, ami des artistes, le Dr Jean-Jacques Chaubard, qui met à sa disposition, un grand espace sur deux étages, Vision Future, attenant à son cabinet à Nice pour l’empêcher de déprimer et continuer sa passion. Quatre années merveilleuses, dit-elle, qui auraient pu déboucher sur une retraite. Puis, le hasard, existe-t-il ? L’emplacement presqu’oublié jusque là de la galerie de Jean Moulin à Nice, au 22 rue de France, où le résistant exposa Matisse et Bonnard, est situé face à l’entrée de Vision Future. Ce fut l’occasion de créer de grandes expositions lors de la pose de la plaque souvenir sur cette façade, l’hiver dernier 2013, avec l’évocation historique de la mémoire associée. Un moment très émouvant. Ces expositions organisées par l’UMAM à Vision Future à Nice et Cannes se sont poursuivies en même temps qu’à la banque Barclays pendant plusieurs mois et un prix Jean Moulin fut décerné. Faut-il rappeler enfin que depuis 2007, Simone Dibo-Cohen est présidente de L’UMAM, dont Matisse et Bonnard, étaient membres d’honneur ! Toujours à la recherche de nouveaux artistes, Simone prépare déjà pour 2016, les 70 ans de cette association qui est une des plus anciennes d’Europe. Mais c’est à présent, à la troisième biennale au château de Cagnes que nous vous invitons.
Au thème proposé Mises en scène, plus de soixantaine dix artistes sollicités ont répondu, pour la plupart issus du pourtour de la Méditerranée et même de plus loin, de la Chine, du Venezuela, des Etats Unis…. Pas étonnant donc que les tragédies actuelles s’y expriment, et c’est dans la fidélité à l’esprit des créateurs de l’UMAM, celui de la découverte qu’un aperçu de la nouvelle création englobant, peintures, sculptures, vidéos, installations, photos nous est présentée.
Dans ce château fort qui domine cette Méditerranée toujours en conflits, les œuvres sélectionnés par Simone Dibo-Cohen sont mises en résonnances avec le lieu. Dans un chaos impressionnant, les colonnades traditionnelles s’écroulent, s’expose la chair humaine torturée, la violence, le fanatisme religieux empestent. Alors que voisinent, exposées les œuvres d’artistes musulman, chrétien, juif ou athée, la commune dénonciation de ces faits, incite à une réflexion intime. C’est aussi tout l’art de la scénographie de l’exposition. Que l’on choisisse de la parcourir dans un sens ou l’autre, toutes les salles sont fortes, le trop pénible alterne avec des expressions plus légères peut-être une ombre d’espoir en l’Etre humain.
Mais on n’est pas au bout de nos découvertes si on ne passe pas devant le semainier des tortures, La boucherie de Mauro Corda, présente l’évolution de la destruction d’un corps humain au fil des jours et des tortures, et plus loin…
La musulmane, qui en 4 bustes dorés résume la régression de la femme, de la chevelure libre au voile complet. Et si en guise d’espoir, on lisait le message dans un autre sens ?
L’espoir, on le trouve avec la participation sans frontières d’artistes: le Turc Nurcan Giz et ses recherches sur le noir, l’abstraction et la lumière, Bahram Hajou, ce Syrien a obtenu le prix Matisse, avec Couple VI, il présente des personnages aux tons pastels dans un monde de rêve et de liberté, un monde et des personnages à l’envers qui nous convient à plus d’humanité, alors que l’algérien Nacer avec son installation Ego 2013 réprime une violence contenue. La photographe iranienne Shadi Ghadirian présente deux photos qui jouent sur les contrastes de deux civilisations, où hommes et femmes cherchent leur place. L’une des œuvres présente, talons aiguilles et chaussures fatiguées maculées de sang, l’autre deux godillots usés unis par un ruban rouge lui donnant sa noblesse.
Dans cette exposition qui n’a rien à envier aux grandes expositions institutionnelles, voici encore sans être exhaustif : Dona, le cri d’alerte de Carme Albaigès dont les personnages ont toujours les yeux bandés. Plus léger, voir les belles photos, aux glacis précieux de Bernard Langenstein,et dans la même salle la video de Simone Simon. Autre temps de pause, avec la salle réservée aux peintures délicates du Coréen Moon-Pil Shim, cette salle méditation souffre toutefois de son voisinage bruyant. Le prix Jean Moulin attribué à Naziha Maestaoui, pour Corps en résonnance 2013, apporte lui aussi de la légèreté au parcours : des bols de cristal remplis d’eau se mettent en mouvement et génèrent des sons aux passages des visiteurs, déployant des formes qui se reflètent sur la paroi, rendant visibles les vibrations.
Au rez-de- chaussée le sculpteur-architecte Piergiorgio Colombara italien nous confronte à l’absence, au deuil avec son berceau vide, La Bambola et à la violence avec une chasuble traversée d’un filet de sang. Chasuble encore avec le tressage de Jacqueline Matteoda tandis que le syrien Mustafa Ali avec deux petites sculptures dénonce la souffrance et l’oppression,
Dans cette salle vous pourrez voir aussi Le prix Bonnard, attribué à Guy Brunet, ces quatre moines témoignent des qualités picturales du peintre et de son héritage des maîtres anciens.
Les artistes de cette biennale nous ouvrent la porte, non seulement sur les luttes en Méditerranée, mais bien au-delà, sur la violence du monde. L’espoir vient de la cohabitation et de la participation d’artistes de toutes cultures et religions dans cette même biennale. Cette grande vague de violences et de tyrannie qui gronde et circule entre les murs du château du Haut de Cagnes véhicule aussi l’espoir de faire évoluer les esprits et de pousser à la réflexion.
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